« Pas d’engagement ! » Sur une ou deux expressions à la con

sagesse de la rue par La Dactylo

Tout ou Rien, Marie-Flore

« Pas d’engagement »

C’est un thème qui revient souvent pour qui vit des aventures sentimentales/sexuelles/sensuelles multiples. A travers la multiplicité, on cherche parfois, souvent, à se prémunir d’un trop fort attachement. En niant l’engagement, en proclamant du moins cette voie comme impossible, on refuse de voir une réalité toute simple, que les « existentialistes » n’ont pas inventée : on est toujours engagé·e, et de multiples façons. 

Une relation sous-entend toujours une certaine forme d’engagement : c’est peut-être bien pour cela que certain·e·s préfèrent ne pas leur donner le nom de « relation ». Le Larousse définit pourtant la relation aussi bien comme « ensemble des rapports et des liens existant entre personnes qui se rencontrent, se fréquentent, communiquent entre elles » que comme « rapports sexuels »… Difficile de ne pas tomber dans l’une ou l’autre de ces catégories.

« On ne se doit rien » 

Prétendre qu’il n’y a pas d’engagement, qu’on ne se doit rien, c’est surtout user d’indicateurs peu explicites pour se déresponsabiliser. Ce n’est pas parce que la relation ne porte pas le poids des enjeux implicites (et normés) d’un « couple installé » qu’il n’y a pas d’engagement, et qu’on ne se doit rien. Non, non et non. C’est un mensonge, du déni et surtout, c’est une facilité pour pouvoir ensuite se comporter n’importe comment, comme on ne le ferait jamais avec un·e ami·e (avec qui pourtant on n’a jamais partagé cette sorte d’intimité).

« Pas d’engagement, on ne se doit rien », c’est choisir paresseusement de ne pas s’accorder le temps de la discussion ou de l’entente. Comme un indicateur vide tel que « baignade non-surveillée », où peu importe ce qu’il adviendra, on s’est dégagé de ses responsabilités. Alors, peut-être est-il temps d’apprendre justement à se responsabiliser, pour ne pas laisser nos relations vivre au gré des vents extérieurs ? Chercher plutôt à naviguer à plusieurs, quelle que soit la direction ? Peut-être est-il temps d’apprendre à faire la différence entre « refuser » le couple (ou l’idée stéréotypé qu’on nous vend) et refuser l’attachement ? Refuse-t-on de s’attacher à nos ami·es ? Encore une fois, explorer les multiplicités et sortir des conceptions souvent binaires (si c’est pas comme ci, c’est comme ça) pour pouvoir s’autoriser à inventer autre chose et faire la route autrement : finalement, c’est encore d’imaginaires des possibles dont nous avons besoin pour cesser de tomber perpétuellement dans les mêmes schémas qui finissent par blesser une ou toutes les parties.

En interagissant avec quelqu’un·e, même si c’est sur une base purement sexuelle, celle de plaisir partagé commun (ou de celui qu’on voudrait se donner et prendre mutuellement), on s’engage. Pas pour la vie, pas pour tout : mais dans une réciprocité qui devrait pouvoir se dire. Le refus de cet engagement, dès lors que la relation se poursuit, ressemble fort au placage de schémas préétablis sur ce que l’on est en train de vivre, dans l’instant. 

« Avoir de sentiments » = « exiger » = « souhaiter le couple » ? Franchement ? 

N’y a-t-il vraiment aucun espace pour s’aventurer au-delà ? 

« J’ai peur que tu t’attaches trop »

On pourrait aussi se demander si la « peur de l’engagement » ne serait pas une excuse pour éviter d’exprimer ses sentiments, parfois en vrac, parfois maladroitement : est-ce qu’on ne pourrait pas, ne devrait pas répondre, tout simplement : « Je suis là, je t’écoute » ? Sans ressortir le sempiternel « j’ai peur que tu t’attaches trop. » Sans prêter à l’autre des sentiments ou des affects dont on n’a pas discuté et qu’on évite de prendre en compte ou d’écouter soi-même. Est-ce qu’il y aurait moyen d’imaginer des relations où on accepte que les sentiments, les désirs, les besoins, les affects circulent ? Cesser de prôner un détachement mortifère, et accepter que cela puisse déborder, sans toujours chercher à se protéger ?

« En niant l’engagement, en proclamant du moins cette voie comme impossible, on refuse de voir une réalité toute simple, que les « existentialistes » n’ont pas inventée: on est toujours engagé·e, et de multiples façons. »